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L’ombre d’Adeline : la Dark romance va-t-elle trop loin ?
Disponible en librairie depuis le 7 mars 2024, L’ombre d’Adeline, le nouveau roman de H. D. Carlton, est une Dark romance destinée à un public plus qu’averti. Tendance booktok doté d’une liste de triggers warning longue comme le bras, ce n’est absolument pas un livre à mettre entre les mains de votre petite soeur tant il joue avec les sujets tabous et problématiques.
Décryptage d’un phénomène
Mais alors, pourquoi la Dark romance a autant la côte ? À qui s’adressent ces livres ? Faut-il les interdire à la vente ? Comment contrôler la diffusion de ces textes aux jeunes lectrices ? De quoi parle ce nouveau roman, L’ombre d’Adeline, qui fait tant jacter sur Tiktok ?
La Dark romance, jouer avec les tabous
Désormais, il est impossible de l’ignorer : la Dark romance prend une place de plus en plus importante dans nos librairies et dans les tendances de lectures sur les réseaux sociaux. Le #DarkRomance compte plus de 7 milliards de vues sur tiktok.
Pourtant loin de faire l’unanimité, la saga Captive de Sarah Rivens en illustre le parfait exemple avec pas moins de 700 000 exemplaires écoulés l’année passée. Autre cas d’école en 2023, le premier tome de la série Troublemaker écrit par la française Laura Swan s’est glissé à la troisième place des meilleures ventes juste derrière le prix Goncourt et le prix Renaudot.
Pour la définir rapidement, la Dark romance est un sous-genre littéraire de la romance qui se distingue par ses intrigues marquées par des thèmes sombres tels que la captivité, les jeux de pouvoir, et une exploration des limites de la moralité et de l’amour.
Les schémas sont souvent les suivants : des histoires d’amour dans une secte, une mafia ou un gang avec enlèvement, séquestration et violences – psychologiques, physiques ou sexuelles. Les deux héros ? La victime et son bourreau, ou bien deux victimes, deux criminels ou même deux membres d’une même famille. Relations problématiques, syndromes de stockolm, histoires d’amour toxiques voire abusives et violentes… Certains romans flirtent même avec la romantisation du viol et la glamourisation des comportements violents.
Un lectorat très (trop) jeune
Cependant, le plus gros problème n’est pas tellement ce que contient le livre mais plutôt qui en sera le lecteur. Une lectrice adulte sera consciente que ce n’est pas la normalité et saura faire la part des choses entre la fiction et ce qui est en réalité moralement acceptable. Malheureusement, il s’avère que le lectorat de dark romances comme Captive est très jeune. De nombreuses collégiennes dévorent ces séries et vont jusqu’à faire acheter ces livres à leurs parents comme le témoignent les libraires.
Peut-ont vraiment blâmer des jeunes filles d’être attirées par ce qui est tabou et interdit ? Pas vraiment. Ce sont par contre des romans qui nécessitent une médiation renforcée en librairie et un contrôle de l’âge à la vente. L’idée est d’éviter à des jeunes en âge de se construire de banaliser inconsciemment des schémas de violence et de rapports non-consentis.
L’ombre d’Adeline, un roman interdit sur Amazon
Autopublié en 2021 par H. D. Carlton, L’ombre d’Adeline, ou Haunting Adeline en version originale, peut être catégorisée comme une romance d’horreur. En voici un synopsis :
Adeline « Addie » Riley est une auteure à succès dont la grand-mère récemment décédée lui a légué une maison. En emménageant dans le manoir hanté, Addie trouve le journal de son arrière-grand-mère. Son arrière-grand-mère a été brutalement assassinée et ses écrits révèlent des parallèles troublants avec la propre vie d’Addie.
Adeline est également confrontée à un danger : un harceleur. Zade est un homme costaud vêtu de noir qui regarde Adeline dormir et n’hésite pas à prendre ce qu’il veut.
Il se révèle également être un justicier déterminé à tuer et à torturer les trafiquants sexuels et les pédophiles, une position moralisatrice qui semble un peu ironique compte tenu de ses actions dans ce livre. Malheureusement, son obsession passionnée pour Adeline met sa vie en danger, car c’est un homme qui s’est fait de nombreux ennemis puissants.
Comme il s’agit d’une romance sombre, les conflits et les signaux d’alarme qui pousseraient la plupart des femmes à fuir dans l’autre sens ne mettent pas particulièrement en colère notre héroïne. En faisant équipe avec son harceleur devenu amant, Adeline aide Zade à démanteler un infâme réseau de trafic sexuel.
Suite à son auto-publication en 2021, le roman a initialement été interdit sur Amazon. La raison ? La longue liste d’avertissements que l’auteure H. D. Carlton a introduit sur les premières pages de son livre. Pourtant à but préventifs, ces triggers warning n’ont visiblement pas eu l’effet escompté.
Bon, pour être honnête, cette liste d’avertissements est plus qu’effrayante : Abus de position dominante, abus physiques et mentaux, agression physique, agression sexuelle, alcool, arme à feu, automutilation, bondage, captivité, description de cadavre, description explicite de blessure, deuil, drogue, enlèvement, enlèvement d’enfants, étranglement, harcèlement, langage grossier, meurtre, meurtre d’enfants, mort, pédocriminalité, rapport sexuel forcé avec objet, sang, scènes à caractère sexuel explicite, torture, trafic et sacrifice d’êtres humains, transphobie, trouble de stress post-traumatique, viol, violence explicite.
Est-ce que censurer une fiction est vraiment la meilleure solution dans ce cas ? Puisque le roman est là et qu’il fait du bruit, la maison Roncière tente d’offrir un accompagnement soigné pour sa publication de L’ombre d’Adeline.
Roncière, une maison d’édition préventive
Jeune maison d’édition de moins d’une bougie, Roncière prend très au sérieux la prévention autour de la publication de L’ombre d’Adeline. Sous chaque post Instagram, Rumeur, surnommée la maîtresse de la maison Roncière, sensibilise son audience et rappelle que le roman est destiné à un public adulte et averti. Il en va de même pour toutes les personnes qui prennent la parole à l’occasion d’une collaboration commerciale ou suite à la réception d’un service de presse.
Disponible uniquement sous blister dans les points de vente, les clients ne peuvent pas feuilleter les pages et s’exposer à des scènes possiblement traumatiques. Certaines enseignes comme Cultura mettent uniquement une pancarte en magasin qui invite à demander au libraire l’ouvrage pour renforcer le contrôle.
Nous rappelons que la lecture de ce livre n’est pas à prendre à la légère et que son contenu peut avoir un réel impact sur votre santé mentale. Si les 30 avertissements cités plus tôt ne vous découragent pas, vous pouvez tout de même noter qu’une liste de ressources et de contacts est indiquée à la fin du livre en cas de besoin.
Anonyme
11 mars 2024 à 11h25
Bien le bonjour,
Je suis subjuguée par la pertinence et l’analyse proposée dans cet article.
Je cherche à débaucher votre journaliste, puis-je avoir son contact s’il vous plaît?
Bien à vous,
C.
Guillaume Rospars
11 mars 2024 à 12h42
Bonjour, non